segunda-feira, 15 de março de 2010

Da Mortificação, da Dor e da Morte



"Bien souvent, parce que nous avons souffert, parce que nous souffrons, parce que nous nous sentons fondamentalement menacés, humiliés aussi peu-têtre, voire persécutés et outragés, nous ne savons plus reconnaître la vie comme un don. Un don qui n'exige pas que nous nous sachions en dette et voués à une impossible et interminable quête de ce qui la lèverait enfin, qui n'attend pas que nous nous acquittions de notre position de débiteur par quelque tribut payé- par exemple, et singulièrement, la souffrance- qu'il ne nous situe dans l'être comme celui ou celle qui, avant tout, avant toute pensée et tout engagement de sa part, a reçu. Comme celui ou celle qui, quelque part dans la chaîne des générations, a été élu pour en faire partie, pour recevoir le nom qui l'éveillera à la conscience de soi et à l'appel à vivre, dans ce corps, parmi d'autres, parmi les siens.
Mais bien souvent, en raison des épreuves, ou de notre ingratitude tou simplement, nous posons cependant des conditions à la vie pour l'aimer comme d'aucuns posent des conditions à leurs proches por leur concéder quelque amour. Bien souvent enfin nous prenons prétexte de la souffrance pour accuser la vie: elle ne répond pas à l'attente que nous avons d'elle et nous la rejetons, comme si le mal qui est le nôtre suffisait pour décréter que c'est la vie, en son essence de vie, qui est le mal. (...) Certes il ne s'agit pas ici de plaider la cause de la souffrance même si d'aucuns savent y puiser des forces, mais tout simplement de constater qu'il n'est pas indigne de l'homme de souffrir et que cette conjonction ne doit pas annuler, sous peine autrement de nous pétrifier, le sentiment que la vie est un don, mais un don sans garantie."

Catherine Chalier

Qu'en est-il de la souffrance tout d'abord? de la totale impréparation où nous sommes si souvent devant elle? Qu'en est-il de la douleur humaine, qu'elle soit physique ou morale, qu'elle s'empare de notre corps ou qu'elle mutile notre âme?
Quelles que soient ses modalités, il semble que la souffrance place devant une impasse: celle de devoir supporter ce qui, précisément, est insupportable. Elle accule, en effet, à une vigilance sans repos, à une insomnie qui tient en échec les velléités de se mettre à l'abri, de s'épargner la dure rencontre avec une vie qui résiste à l'espérance que nous mettions en elle. Souffrir, c'est nécessairement se voir privé de protection, de havre, loin de l'amertume et des tribulations de l'être. Le tourment de la souffrance expulse en effet des lieux sécurisants où un sujet se dit "chez soi", séparé des atteintes du monde par toute l'épaisseur de ses propriétés: il commente, bien plutôt, le paradoxe cruel d'une impossibilité de s'installer dans l'être tout en y étant condamné. Telle une absurde logique qui aommanderait de prendre place là où, précisément, nulle place n'a chance de se dessiner. Et telle cette nécessité de supporter l'insupportable et, bientôt, l'inéluctable, en quoi consiste une vie exposée à la souffrance, soumise au mal de sa propre et essentielle vulnérabilité.
Dans la souffrance, dans sou "pâtir pur", la conscience se heurte à la fatalité d'être sans même pouvoir compter sur l'issue de se faire chose pour oublier. Toujours dejà le réveil débusque et déloge qui croyait avoir trouvé quelque asile, quelque rémission fût-ce en soi, dans le profond d'un sommeil qui se voudrait sans rêve, comme si, même ainsi, on ne pouvait abandonner la lassitude d'être, cette lassitude qui prime parfois l'angoisse devant la mort. ( ...) Toute souffrance enferme dans l'instantanéité d'un présent sans issue, puisque même du repli dans le sommeil la conscience sortira pour retrouver la "sueur froide" d'une existence à laquelle elle ne peut échapper. Elle tend à occuper tout le champ de l'existence, à envahier totalement, à s'imposer absolument comme ce qui ne tolère ni divertissement ni pause. Et c'est précisément en quoi elle est tragique, en quoi elle commente, indéfiniment, l'impasse absurde d'une existence rivée- contre son gré- à elle-même et à sa vulnérabilité irrédimée".


"La vue dogmatique et classique qui consiste à assimiler souffrance et culpabilité, à postuler sans cesse de bonnes raisons au mal du prochain, principalement dans le cadre des théodicées, de leur volonté d'innocenter Dieu et de rendre acceptable la souffrance, mais aussi le jugement abrupt et péremptoire- fût-il parfois celui d'un diagnostic ou d'un prognostic- qui décide du sens à donner aux plais toujours à vif de la souffrance, doivent retenir l'attention pour ce qu'ils laissent percevoir des sentiments de qui en exhibe les certitudes. Car les mots qui accusent- Job n'a-t-il pas comis quelque faute, quelque iniquité?-, ceux aussi qui promettent quelque récompense future et, sur un autre registre, ceux qui enferment sans espoir dans les catégories de la nosographie et l'inflexibilité d'un destin, non seulement ne sont pas des mots qui soignent, qui portent secours et aident à vivre quand même, en dépit du face-a-face avec l'intolérable, mais ils déclarent trop souvent fermées les portes de la compassion. (...) Lorsque les amis de Job tentent d'expliquer et de justifier sa souffrance, voire de le convaincre de sa valeur rédemptrice, il est manifeste qu'ils décident de tenir à distance le spetacle insoutenable d'un homme meurtri, humilié et anéanti. (...) Or tous ces essais d'éxplication, et a fortiori de justification, de la douleur du prochain ne sontt-ils pas "la source de toute immoralité", la source de l'endurcissement dans l'indifférence de l'un pour l'autre, dans l'inhumanité? Car tous ses essais, en fin de compte, ratifient l'idée couramment admise que nul n'a titre pour questionner mon droit d'être. Pas même celui qui souffre. Et excellentes sont alors toutes les raisons qui, intégrant la douleur à un ordre significatif, dispensent de toute interrogation sur le bien-fondé de ce droit, renvoient la mauvaise conscience qu'on peut avoir face au scandale de la souffrance du prochain à la pathologie.


(...) Si, tout d'abord, l'idée d'un accompangnement de l'autre dans sa souffrance ne paraît pas réellement pertinente, c'est qu'elle dit à la fois trop et trop peu. Trop si elle laisse entendre que nous pouvons aider l'autre au point de suivre pas à pas son trajet, en rythmant totalement notre démarche au rythme de la sienne, en accordant notre cadence à celle de son souffle et en nous proposant de le soulager en portant avec lui sa souffrance. Car n'est-ce pas oublier alors que l'Autre, parce qu'il est Autre justement, n'est jamais à la mesure de notre conscience, que celle-ci, malgré toute sa bonne volonté, "est toujours en retard au rendez-vous du prochain" (Lévi Valense, Les niveaux du Mal) ?



"La carresse du consolateur qui effleure dans la douleur ne promet pas la fin de la souffrance, n'annonce pas de compensation, ne concerne pas, dans son contact, l'après du temps économique: elle a trait à l'instant même de la douleur qui alors n'est plus condamné à lui-même, qui entraîne "ailleurs" par le mouvement de la caresse, se libère de l'étau du "soi-même", se trouve de l'air frais, une dimension et un avenir. (...) Des bras serrés autour de soi, ça soulage. On pourrait presque croire que ça va mieux quelquefois. Une minute d'air respirable"


Marguerite Duras, La Douleur


"Le judaïsme pense à cette bonté quand il rapelle que l'un des noms du Messie est Menahem, consolateur: celui qui prend sur lui les souffrances d'autrui pour l'en soulager, lui rendre courage, celui qui, tel le serviteur souffrant dont parle le prophète ( Isaías, 53), expie pour l'autre. Le Messie serait donc celui qui porte les peines du monde. Mais s'il vaut la peine de méditer sur ce nom, ce n'est peut-être pas dans l'attente de la venue de quelque homme qui arrête le cours de l'histoire, c'est plutôt parce que 'chacun doit agir comme s'il était le Messie'. Le messianisme étant 'mon pouvoir de supporter la souffrance de tous(...) L'instant où je reconnais ce pouvoir et ma responsabilité universelle'. (...) la juste souffrance en moi pour la souffrance injustifiable d'autrui".


"Il ne s'agit plus désormais que d'offrir à l'autre toute la bonté qui est en nous (...). On voudrait être un baume versé sur tant des plaies".

Etty Hillesum, jovem judia holandesa sacrificada em Treblinka.


"L'énigme de l'autre se creuse et s'accuse avec le mystère de sa mort prochaine, elle se scelle comme telle avec sa mort accomplieavec ce qui excède toute parole. Souvent, aux derniers moments, l'autre apparaît lointain, "une fatigue surnaturelle se montre dans son sourire, celle d'être arrivé à vivre jusqu'à ce moment-ci", et bientôt il semble inaccessible, au-delà des vanités sans doute, des préocupations étroites et quotidiennes, mais aussi, et douloureusement pour ceux qui restent, au-delà des soucis les plus légitimes et les plus beaux, détaché déjà. Certes l'intensité du temps vécu alors est grande, comme si la proximité de la mort pesant de toute sa menace et de toute son irréversibilité aidait, parfois bien tard, à sentir le prix du temps et des choses. A dècouvrir le chemin des mots qui jamais ne furent dits, à révéler les gestes que la pudeur retint. Comme si, lorsque la marge de l'attente s'amenuise, quand les projets d'être se consument aussitôt ébauchés, quand s'impose l'imminence d'un bouleversement absolu de la vie, l'homme retrouvait le sens du caractère précieux et unique de chaque instant, comme s'il avait enfin le temps. Et c'est sans doute dans cette évidence d'être appelé à porter jusqu'aux confins de la mort fidélité et amour que chacun découvre, mieux que jamais, l'unicité de l'autre, son être fragile et irremplaçable. Que chacun sait que la mort invisible à laquelle il fait face est aussi son affaire, qu'elle le regarde très personnellement".

Catherine Chalier.

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