terça-feira, 19 de janeiro de 2010

Da redenção do presente


"La logique de la rétribuition et de la compensation est aussi, au niveau d'une vie individuelle, ce qui interrogue à la fin du Livre de Job. Après tant des désastres, après le deuil insoutenable de tous ses enfants et la maladie insupportable, voici en effet que Job reçoit, à nouveau, un très abondant bétail et "sept fils et trois filles". Le texte précise que nulle femme nétait aussi belle que ses nouvelle filles et qu'il "vit ses fils, les fils de ses fils jusqu'à la quatrième génération". Mais tout rentre-t-il vraiment ainsi dans l'ordre? Tout est-il pour le mieux enfin?L'inouïe souffrance de Job se voit-elle justement indemnisé? Ce nouveau bonheur a-t-il le pouvoir de contrebalancer et de faire oublier l'ancienne et si épouvantable douleur? Car Job retrouve des enfants, mais ce sont des autres enfants et il n'est pas sûr, pas souhaitable, que la beauté de ses nouvelles filles et la progéniture de ses nouveaux fils, puissent effacer le souvenir de ses premières filles et de ses premiers fils. L'un replace-t-il jamais l'autre? L'un equivaut-il à l'autre? Ceux qui ont disparu ne mourraient-ils pas une seconde fois si la réponse était positive? Et ceux qui viennent après auraient-ils le sentiment d'être autre chose que des visages de remplacement, des substituts?

Pour réparer vraiment le mal advenu, pour consoler réellement, il faudrait autre chose qu'un dédommagement futur, il faudrait pouvoir revenir à l'instant du malheur "ou pouvoir le ressusciter". Car l'exigence de salut peut-elle jamais se contenter d'une promesse, même fondée, même bienvenue et source de louanges, d'atténuation de la peine, d'effacement des larmes et de cicatrisation des plaies grâce à quelque nouvelle et heureuse chance? L'accepter comme suffisante ne reviendrait-il pas à escamoter le mal et "la structure essentielle du temps par laquelle le présent n'est pas seulement indemnisé mais ressuscité" ( Vladimir Jankélévitch, L'innocence et la méchanceté). Ne conduirait-il à se résigner à ce que l'instant du mal demeure à jamais impardonné et, en fin de compte, ne commanderait-il pas l'oubli comme condition du salut?"
Catherine Chalier, La persévérance du Mal

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